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    Mon voisin, Véronique Sanson – Une chanson obsessionnelle

    Mon voisin, Véronique Sanson – Une chanson obsessionnelle

    Je l’ai écoutée, réécoutée, c’en est même devenu obsessionnel, la reprenant au piano, en karaoke, ou mois heureusement accompagné d’un pianiste improvisé… Mon voisin de Véronique Sanson est une chanson qui aura compté pour moi. Au point que je semble avoir transmis le virus à mes filles !

    Mais ce n’est pas ce caractère obsessionnel très personnel qui explique mon choix de vous parler de cette chanson aujourd’hui. Plus que les autres titres présents sur l’album Sans regrets réalisé par Véronique Sanson en 1992, Mon voisin est un titre singulier.

     

    Écrite pour Isabelle de Funès

    Il a en effet été écrit en 1968 pour figurer sur un 45 tours de Isabelle de Funès (nièce d’un acteur comique que vous connaissez bien) par Violaine et Véronique Sanson, anciennes membre du groupe Les Roche Martin qu’elles composaient avec François Bernheim. Il s’agit donc d’une chanson de commande, écrite à une époque où toutes les jeunes starlettes qui avaient les moyens de se trouver un producteur sortaient un 45 tour, manière de s’essayer à la chanson sans prendre trop de risque (l’exercice consistait la plupart du temps à interpréter 4 chansons en vitesse devant un micro, souvent en un après-midi, puis de retourner à leur vie mondaine, comme si de rien était). On a ainsi vu des comédiennes comme Mireille Darc interpréter des chansons aussi improbables que Hélicoptère (chanson que l’on doit à Serge Gainsbourg, à l’époque où il était esclave d’une production massive de chansons nécessaire à subvenir à ses besoins).

    Et cette interprétation fine et sensible de Isabelle de Funès donna lieu à un clip, dans une ambiance bon enfant, très nouvelle vague, je vous laisse le plaisir de la découverte.

     

    Mais cette interprétation ne semble pas avoir réellement marqué les mémoires car cette chansons n’est même pas disponible aujourd’hui sur Spotify ou sur les autres catalogues de streaming. Serait-elle donc tombée aux oubliettes ?

     

    Du neuf avec du vieux

    Eh bien non, car l’histoire ne s’arrête pas là. Véronique Sanson décide de la reprendre en 1992 sur son album Sans regrets. La production de ce dernier par bernard Saint-Paul, son complice de toujours, a été quelque peu compliquée par le fait que Véronique ne travaille jamais beaucoup avant d’enregistrer et qu’elle est cette fois-ci à cours de chansons, « en panne d’inspiration ». Il convient donc de faire les « fonds de tiroir » pour trouver des titres à interpréter, même si le jeu consiste à voyager dans le passé ou même à fabriquer du neuf avec du vieux. Autant pouvons-nous voir l’utilisation de Mon voisin comme une réhabilitation heureuse d’une chanson passée et qui n’a pas eu le succès qu’elle méritait, autant Rien que de l’eau, chanson présente sur le même album, est une re-fabrication à partir d’une chanson de Bernard Swell intitulée initialement I wanna know, il s’agit donc de retaper un vieux tube avec de nouvelle paroles pour faire une nouvelle chanson.
    Mais bien que ce procédé semble peu orthodoxe aux yeux des puristes qui adulent les chansons originales, pour leur statut de créations ex-nihilo, il n’a pas empêché un succès national massif à Rien que de l’eau que Véronique Sanson et Paul Personne reprenaient, comme dans une spirale perpétuelle, en 2013 sur le plateau de Taratata. Les méthodes de création, et j’en suis bien convaincu, n’ont que peu de rapport avec le succès d’une oeuvre, sinon ce serait trop simple…

    Et c’est ainsi que Mon voisin est repris par une de ses créatrices sur un album original qui contient plusieurs autres chefs-d’oeuvre (Sans regrets, Rien que de l’eau ou encore Panne de coeur). On retrouvera d’ailleurs sur cet album un autre titre interprété à l’époque par Isabelle de Funès sur un 45 tour, il s’agit du vénéneux Une odeur de neige (1969).

     

    De la bossa-nova à la pop

    Sur le plan musical, Mon voisin est une chansons bien ancrée dans son époque, la fin des années 60 est rythmée par la bossa-nova et plus précisément par les tubes de Astrud Gilberto (Girl from Ipanema, 1964). Et ce n’est pas forcément audible de prime abord sur la version de 1992 dont l’arrangement est très binaire mais l’écriture de Mon voisin est très proche de la bossa-nova, qu’il s’agisse du rythme des paroles ou des enchainements harmoniques, vous l’aurez constaté à l’écoute de la version de 1968. Et c’est là la magie de l’arrangement et de la réinterprétation, la version de 1992 nous propose une chanson pop bien ancrée dans son époque, les couplets 2 et 3 ont même été inversés ainsi que les paroles « Ils sont rentrés, ses parents il doit les aimer » remplacées par « Ils sont rentrés, j’entends du bruit dans l’escalier ». Ces légers changements permettent, tout en maintenant le caractère énigmatique des paroles, de réaliser un clip au sens tout à fait différent.

     

    Et comme vous pouvez le constater, cette chanson est alors devenue moderne et parfaitement intégrée à l’esthétique de l’album, aux côtés de titres beaucoup plus récents et on ne voit pourtant aucune différence. C’est certainement là l’apanage d’une grande chanson.

     

    En duo

    Une dernière remarque pour terminer, il semble qu’il ait été difficile de choisir entre les deux versions enregistrées pendant les prises de son car une seconde version est présente à la fin de l’album avec un arrangement plus jazz, intégrant des sons de synthé très 90’s, à la façon de ce que peut proposer Bob James à la même époque. Et c’est cette dernière version que Véronique Sanson interprétera en live avec Yves Duteil sur son album Sanson comme ils l’imaginent. C’est dire à quel point la vie de cette chanson est riche, et ce n’est certainement pas terminé !