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    En pénétrant dans l’univers de « Again », le dernier opus de Oneohtrix Point Never, alias Daniel Lopatin, on se plonge dans un monde où la frontière entre le réel et le synthétique se brouille avec une grâce surprenante. Ce dixième album marque une étape audacieuse dans la carrière de l’artiste, réputé pour sa capacité à transformer le chaos numérique en paysages sonores d’une beauté surnaturelle. Avec « Again », Lopatin embrasse l’ère de l’intelligence artificielle, mais loin de se laisser dominer par elle, il la plie à sa vision artistique, créant un chef-d’œuvre qui défie les conventions de la musique électronique.

    Dans cet album, chaque piste semble être un fichier MP3 corrompu, réarrangé en compositions glitchées d’une beauté inouïe. Lopatin joue avec les contrastes, mélangeant habilement les sons naturels et artificiels, révélant son habileté à manipuler l’organique et le synthétique pour produire une œuvre singulière et envoûtante. Cette tension créative entre le naturel et l’artificiel définit « Again », faisant écho à la complexité de notre monde moderne, où la technologie et l’humanité coexistent de façon de plus en plus intriquée​​.

    L’album fait également de nombreuses allusions aux précédents travaux de Lopatin, créant un fil conducteur qui relie « Again » à son riche catalogue musical. Les pistes comme « World Outside » et « The Body Trail » rappellent respectivement les albums « Garden of Delete » de 2015 et « Replica » de 2011, tout en conservant une identité propre et novatrice. Cette capacité à se réinventer tout en restant fidèle à son ADN musical est l’une des forces de Lopatin, qui parvient à créer une œuvre à la fois fraîche et profondément ancrée dans son héritage artistique​​.

    Le mélange de sons artificiels et d’instrumentations réelles est une autre caractéristique clé de « Again ». La piste « Krumville », par exemple, débute par des effets sonores évoquant le démarrage d’un ordinateur, avant de se transformer en une ballade post-rock pittoresque, riche en distorsions numériques. Cette juxtaposition crée un effet surprenant et souligne l’expertise de Lopatin dans l’usage innovant de la technologie musicale​​.

    « Again » explore également les thèmes de l’interférence technologique dans notre vie quotidienne. Les morceaux classiques de l’album, tels que « Gray Subviolent », intègrent des éléments de perturbation robotique, illustrant la vision de Lopatin d’un monde envahi par la technologie. La piste titre, quant à elle, débute par des drones vocaux enfantins altérés, créant une impression de vibrato artificiel. Ces éléments soulignent l’habileté de Lopatin à fusionner le passé et le présent, le naturel et l’artificiel, pour créer une musique qui est à la fois nostalgique et résolument moderne​​.

    Dans « Again », Lopatin ne perd jamais de vue l’importance de l’humanité dans un monde de plus en plus dominé par la technologie. Des pistes comme « Ubiquity Road » et « A Barely Lit Path » offrent un havre de paix et de réflexion humaniste, rappelant que malgré l’avancée technologique, le besoin de connexion humaine reste fondamental. La clôture de l’album sur « A Barely Lit Path » est particulièrement poignante, offrant une méditation sur l’humanité dans un monde numérique, et affirmant « Again » comme l’un des albums les plus sincères et captivants de Lopatin à ce jour​​.

     

    Utilisation saisissante de l’IA dans la création musicale

    Dans « Again », Daniel Lopatin orchestre une fascinante exploration de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la musique, créant un pont audacieux entre le passé et le présent. L’album s’inscrit dans une démarche artistique où l’IA n’est pas simplement un outil, mais un collaborateur à part entière, contribuant à un paysage sonore qui défie les conventions.

    Lopatin utilise l’IA de manière exploratoire, comme on le voit dans des pistes telles que ‘The Body Trail’, où il emploie des boucles générées par l’IA pour s’aventurer dans le shoegaze de manière saisissante​​. Cette approche n’est pas nouvelle dans l’œuvre de Lopatin, mais « Again » pousse l’expérimentation à un niveau supérieur. En intégrant des outils d’IA comme Jukebox d’OpenAI, Adobe Enhanced Speech et Riffusion, l’album tisse un lien entre la tradition musicale et les possibilités infinies de l’avenir numérique.

     

     

    « Again » de Oneohtrix Point Never est une œuvre qui dépasse les frontières de la musique électronique pour devenir un manifeste artistique à part entière. Cet album questionne notre rapport à la technologie, à l’humanité et à l’expression artistique elle-même. Lopatin nous offre une expérience à la fois perturbante et exaltante, où chaque piste nous conduit dans un voyage à travers des paysages sonores inexplorés.

    La dernière piste, « A Barely Lit Path », résume parfaitement l’essence de l’album. Dans un monde de plus en plus automatisé, Lopatin cherche et trouve des moments de sérénité et de connexion humaine, affirmant ainsi la capacité de la musique à transcender les barrières technologiques pour toucher l’âme humaine​​. « Again » n’est pas seulement un album à écouter ; c’est un album à expérimenter, à vivre, et à réfléchir. Il marque un jalon important dans la carrière de Lopatin et dans l’évolution de la musique électronique contemporaine.

     

    Simon JANVIER

    J'aime la musique, toutes les musiques. Je profite donc de mes interventions sur ce blog pour partager avec vous l'histoire de titres qui m'ont marqué. Mes critères de choix sont l'émotion, la singularité ou les conditions particulières de l'enregistrement.
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