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    Nous sommes le 24 janvier 1975, Keith Jarrett est à Cologne pour un concert programmé à l’opéra de la ville. Il est très fatigué après un transfert depuis Zurich par la route où il se trouvait quelques jours plus tôt pour un autre concert de sa tournée européenne. Cela fait plusieurs nuits qu’il dort mal et son dos le fait souffrir. Nous pouvons aisément considérer qu’il s’agit de conditions idéales pour un concert, seul sur scène de surcroît !
    Mais ce n’est pas tout car les éléments sont en plus contre lui, je vous explique. Un problème d’organisation de l’équipe technique de l’opéra de Cologne n’a pas permis à Keith Jarrett de dispose du piano grand queue Bösendorfer 290 qu’il avait demandé. Un piano de même marque, mais plus petit, trône sur scène et celui-ci manque de graves pour restituer pleinement la musique improvisée du maître, de plus, la pédale de sustain ne fonctionne pas convenablement. Il hésite donc lourdement à se produire sur scène mais la salle est déjà comble (1400 places vendues ce soir-là) à 23h30, heure tardive pour démarrer un concert. L’opéra de Cologne n’avait pas trouvé d’autre disponibilité pour programme ce concert qui suivait la représentation d’un opéra plus tôt dans la soirée. Pour parachever le tôt, le pianiste se rend dans un restaurant italien avant de monter sur scène, mais celui-ci tarde tellement à le servir qu’il n’a pas le temps de finir son repas et doit quitter précipitamment sa table pour monter sur scène…

    Les charges qui pèsent sur l’organisation de ce concert sont donc tellement lourdes qu’un pianiste « normal » aurait certainement annulé. Keith Jarrett monte donc sur scène sans bien savoir ce qui va se passer, piano à peine accordé, mal au dos, pas assez dormis, pas assez mangé. Que va-t-il donc bien pouvoir jour dans cet état ?
    Vous connaissez peut-être déjà la réponse car l’album Köln Concert est un best seller du jazz et l’album le plus vendu dans la très étroite catégorie du piano improvisé (3,5 millions d’exemplaires). Il débute le concert ainsi : sol, ré, do, sol, la. C’est 5 notes ne sont autres que la mélodie de la sonnerie qui marque les débuts de représentation à l’opéra de Cologne ! On entend même le public rire au début de l’enregistrement car il fait directement l’analogie avec la sonnerie. Nous sommes alors partis pour 26 minutes d’improvisation autour de cette courte mélodie, chaque minute est plus créative que la précédente, c’est un plaisir ininterrompu.

    La musique est limpide, cristalline, elle a même permis à des millions de néophytes de découvrir l’improvisation dans le jazz, c’est certainement ce qui rend cette pièce inestimable aux yeux du plus grand nombre !

    Simon JANVIER

    J'aime la musique, toutes les musiques. Je profite donc de mes interventions sur ce blog pour partager avec vous l'histoire de titres qui m'ont marqué. Mes critères de choix sont l'émotion, la singularité ou les conditions particulières de l'enregistrement.
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