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    « Again », dernier opus de Oneohtrix Point Never alias Daniel Lopatin

    « Again », dernier opus de Oneohtrix Point Never alias Daniel Lopatin

    En pénétrant dans l’univers de « Again », le dernier opus de Oneohtrix Point Never, alias Daniel Lopatin, on se plonge dans un monde où la frontière entre le réel et le synthétique se brouille avec une grâce surprenante. Ce dixième album marque une étape audacieuse dans la carrière de l’artiste, réputé pour sa capacité à transformer le chaos numérique en paysages sonores d’une beauté surnaturelle. Avec « Again », Lopatin embrasse l’ère de l’intelligence artificielle, mais loin de se laisser dominer par elle, il la plie à sa vision artistique, créant un chef-d’œuvre qui défie les conventions de la musique électronique.

    Dans cet album, chaque piste semble être un fichier MP3 corrompu, réarrangé en compositions glitchées d’une beauté inouïe. Lopatin joue avec les contrastes, mélangeant habilement les sons naturels et artificiels, révélant son habileté à manipuler l’organique et le synthétique pour produire une œuvre singulière et envoûtante. Cette tension créative entre le naturel et l’artificiel définit « Again », faisant écho à la complexité de notre monde moderne, où la technologie et l’humanité coexistent de façon de plus en plus intriquée​​.

    L’album fait également de nombreuses allusions aux précédents travaux de Lopatin, créant un fil conducteur qui relie « Again » à son riche catalogue musical. Les pistes comme « World Outside » et « The Body Trail » rappellent respectivement les albums « Garden of Delete » de 2015 et « Replica » de 2011, tout en conservant une identité propre et novatrice. Cette capacité à se réinventer tout en restant fidèle à son ADN musical est l’une des forces de Lopatin, qui parvient à créer une œuvre à la fois fraîche et profondément ancrée dans son héritage artistique​​.

    Le mélange de sons artificiels et d’instrumentations réelles est une autre caractéristique clé de « Again ». La piste « Krumville », par exemple, débute par des effets sonores évoquant le démarrage d’un ordinateur, avant de se transformer en une ballade post-rock pittoresque, riche en distorsions numériques. Cette juxtaposition crée un effet surprenant et souligne l’expertise de Lopatin dans l’usage innovant de la technologie musicale​​.

    « Again » explore également les thèmes de l’interférence technologique dans notre vie quotidienne. Les morceaux classiques de l’album, tels que « Gray Subviolent », intègrent des éléments de perturbation robotique, illustrant la vision de Lopatin d’un monde envahi par la technologie. La piste titre, quant à elle, débute par des drones vocaux enfantins altérés, créant une impression de vibrato artificiel. Ces éléments soulignent l’habileté de Lopatin à fusionner le passé et le présent, le naturel et l’artificiel, pour créer une musique qui est à la fois nostalgique et résolument moderne​​.

    Dans « Again », Lopatin ne perd jamais de vue l’importance de l’humanité dans un monde de plus en plus dominé par la technologie. Des pistes comme « Ubiquity Road » et « A Barely Lit Path » offrent un havre de paix et de réflexion humaniste, rappelant que malgré l’avancée technologique, le besoin de connexion humaine reste fondamental. La clôture de l’album sur « A Barely Lit Path » est particulièrement poignante, offrant une méditation sur l’humanité dans un monde numérique, et affirmant « Again » comme l’un des albums les plus sincères et captivants de Lopatin à ce jour​​.

     

    Utilisation saisissante de l’IA dans la création musicale

    Dans « Again », Daniel Lopatin orchestre une fascinante exploration de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la musique, créant un pont audacieux entre le passé et le présent. L’album s’inscrit dans une démarche artistique où l’IA n’est pas simplement un outil, mais un collaborateur à part entière, contribuant à un paysage sonore qui défie les conventions.

    Lopatin utilise l’IA de manière exploratoire, comme on le voit dans des pistes telles que ‘The Body Trail’, où il emploie des boucles générées par l’IA pour s’aventurer dans le shoegaze de manière saisissante​​. Cette approche n’est pas nouvelle dans l’œuvre de Lopatin, mais « Again » pousse l’expérimentation à un niveau supérieur. En intégrant des outils d’IA comme Jukebox d’OpenAI, Adobe Enhanced Speech et Riffusion, l’album tisse un lien entre la tradition musicale et les possibilités infinies de l’avenir numérique.

     

     

    « Again » de Oneohtrix Point Never est une œuvre qui dépasse les frontières de la musique électronique pour devenir un manifeste artistique à part entière. Cet album questionne notre rapport à la technologie, à l’humanité et à l’expression artistique elle-même. Lopatin nous offre une expérience à la fois perturbante et exaltante, où chaque piste nous conduit dans un voyage à travers des paysages sonores inexplorés.

    La dernière piste, « A Barely Lit Path », résume parfaitement l’essence de l’album. Dans un monde de plus en plus automatisé, Lopatin cherche et trouve des moments de sérénité et de connexion humaine, affirmant ainsi la capacité de la musique à transcender les barrières technologiques pour toucher l’âme humaine​​. « Again » n’est pas seulement un album à écouter ; c’est un album à expérimenter, à vivre, et à réfléchir. Il marque un jalon important dans la carrière de Lopatin et dans l’évolution de la musique électronique contemporaine.

     

    50 années du label ECM en 10 titres

    50 années du label ECM en 10 titres

    Depuis sa création en 1969 par Manfred Eicher à Munich, le label ECM (Edition of Contemporary Music) a profondément influencé le monde de la musique, en particulier dans les genres du jazz et de la musique classique contemporaine. Reconnu pour sa qualité sonore exceptionnelle et son esthétique visuelle distincte, ECM s’est imposé comme une référence incontournable pour les auditeurs et les artistes à la recherche d’une expérience musicale transcendante.

     

    Exposition ECM à Munich

     

    Le cinquantenaire de ce label visionnaire a eu lieu en 2019, nous explorons ici le parcours du label en dix titres phares qui ont marqué son histoire. Chacun de ces titres, sélectionnés avec soin, offre un aperçu de l’évolution du label, de ses débuts avec des artistes de jazz avant-gardistes à son expansion dans le domaine de la musique classique et au-delà avec notamment la collection ECM New Series. Ces œuvres reflètent non seulement la diversité et l’innovation constantes d’ECM, mais aussi sa capacité à créer des ponts entre différents genres et cultures musicales. En parcourant cette sélection, nous rendons hommage à un demi-siècle de créations musicales audacieuses et expressives qui continuent d’inspirer et de fasciner les amateurs de musique du monde entier.

     

    1. Keith Jarrett – « The Köln Concert » (Part I) (1975) : Un enregistrement solo de piano improvisé qui est devenu l’un des albums de jazz les plus vendus de tous les temps.
       
    2. Jan Garbarek / The Hilliard Ensemble – « Parce mihi domine » (1994) : Une fusion fascinante entre le jazz et la musique ancienne, alliant saxophone et chant choral.
       
    3. Pat Metheny – « Bright Size Life » (1976) : Un album qui a révolutionné le son de la guitare dans le jazz moderne, avec Jaco Pastorius à la basse.
       
    4. Arvo Pärt – « Fratres » (1984) : Un chef-d’œuvre de la musique minimaliste, représentatif du virage classique que le label a pris dans les années 80.
    5. Eberhard Weber – « The Colours of Chloë » (1974) : Un album qui mélange jazz, musique de chambre et improvisation, illustrant l’approche unique d’ECM en matière de production musicale.
       
    6. Anouar Brahem – « Le Pas du Chat Noir » (2002) : Un mélange envoûtant de jazz et de musique du monde, avec le oud tunisien au centre de la composition.
       
    7. Tomasz Stańko – « Song for Sarah » (2004) : Un album de jazz européen introspectif et mélancolique par le trompettiste polonais.
       
    8. Giovanni Guidi Trio – « City of Broken Dreams » (2013) : Une exploration moderne du trio de jazz, pleine d’émotion et de lyrisme.
       
    9. Tord Gustavsen Trio – « Tears transforming » (2005) : Un jazz nordique subtil et méditatif, avec un jeu de piano exquis.
       
    10. Carla Bley / Steve Swallow / Andy Sheppard – « Utviklingssang » (2013) : Un bel exemple de jazz contemporain, alliant composition et improvisation.

     

    Shaka Ponk (2023), nouvel opus musclé pour le groupe Shaka Ponk

    Shaka Ponk (2023), nouvel opus musclé pour le groupe Shaka Ponk

    En 2023, Shaka Ponk, le dynamique groupe parisien, clôture sa carrière impressionnante avec un album éponyme qui résonne comme un adieu mémorable à leurs fans. Connus pour leur énergie sans bornes et leur fusion unique de styles musicaux, ils livrent dans « Shaka Ponk » un cocktail explosif de metal, rock, electro et funk. Cet opus, qui marque la fin de leur aventure musicale, promet de captiver tant les fidèles de longue date que les nouveaux venus. Avec ce dernier tour de piste, Shaka Ponk consolide son héritage en tant que pilier de la scène musicale française, laissant une empreinte indélébile de fraîcheur et d’innovation.

     

    Un nouvel opus qui fera date

    Le groupe Shaka Ponk revient sur le devant de la scène musicale avec leur album éponyme, « Shaka Ponk (2023) », qui s’inscrit dans un contexte musical en pleine effervescence. Le précédent album du groupe, « Apelogies », sorti en 2020, avait déjà montré une évolution dans leur son, mélangeant plus intensément les influences électro et rock. Durant les deux dernières années, malgré les défis posés par le contexte mondial, Shaka Ponk a maintenu une présence active, enchaînant les concerts et les festivals dès que les circonstances le permettaient. Ces performances scéniques, toujours empreintes d’une énergie fulgurante, ont permis de renforcer le lien avec leur public et de tester de nouvelles directions musicales.

    Le dernier album se situe donc à un moment clé dans la carrière du groupe. Il reflète non seulement la richesse de leur parcours, mais marque aussi un renouveau, une volonté de se réinventer sans perdre l’essence de ce qui fait l’ADN de Shaka Ponk. « Shaka Ponk (2023) » est à la fois un hommage à leur histoire et une fenêtre ouverte sur l’avenir, un équilibre entre fidélité à leurs racines et exploration de nouveaux territoires musicaux. Ce nouvel album est un témoignage de la résilience du groupe et de leur capacité à évoluer avec leur époque, en restant toujours à l’avant-garde de la scène musicale contemporaine.

     

     

    2023, un contexte propice au rock / metal

    L’année a été marquée par la sortie de plusieurs albums notables, chacun apportant une couleur unique au paysage musical. Détaillons ceux qui, chacun à leur manière partage une couleur musicale avec le nouvel album de Shaka Ponk.

    « Everything is alive » de Slowdive, groupe britannique emblématique du shoegaze, revient avec un album où les guitares atmosphériques et les textures sonores envoûtantes créent un univers à la fois mélancolique et transcendant. Leur musique, telle une toile de fond onirique, transporte l’auditeur dans un espace où le temps semble suspendu, offrant une expérience presque méditative.
    De son côté, Avatar, avec « Dance Devil Dance », propose un voyage dans un monde théâtral et excentrique. Le groupe suédois allie performances scéniques puissantes et compositions musicales audacieuses, fusionnant le métal avec des éléments de spectacle vivant. Leur album est une célébration de l’extravagance, où chaque piste se déploie comme un acte dans une pièce de théâtre rock.
    « Take Me Back to Eden » de Sleep Token, quant à lui, représente l’apogée d’un groupe qui a su évoluer d’une formation underground à un phénomène du metal alternatif. L’album, riche en contrastes, navigue entre des moments de puissance brute et des instants de vulnérabilité poignante. Les compositions de Sleep Token offrent une palette émotionnelle large, mélangeant des éléments de rock, d’électronique et de metal d’une manière singulièrement captivante.
    Enfin, « Foregone » d’In Flames, est un témoignage de la capacité du groupe à évoluer tout en restant fidèle à ses racines. Les Suédois, pionniers du death metal mélodique, opèrent un retour aux sources avec cet album, mêlant la puissance du metal à des mélodies plus folkloriques et introspectives. Leur musique, complexe et nuancée, reflète une maturité artistique et une compréhension profonde de leur héritage musical.

     

    Des chansons aux thématiques politiques et sociétales

    D’Essence

    « D’Essence » de Shaka Ponk est une critique poétique et incisive de la société moderne, abordant des thèmes comme l’indifférence, la consommation excessive et la perte de sens dans le monde contemporain. Les paroles oscillent entre le désespoir et l’espoir, mélangeant le français, l’espagnol et l’anglais, ce qui souligne l’universalité du message. La chanson évoque des images puissantes, comme « les corps qui s’enlisent dans l’or d’un Sadam », illustrant la déconnexion entre la réalité brutale et la poursuite superficielle de la richesse​​.

    Dad’Algorhythm

    « Dad’Algorhythm » explore l’omniprésence et l’influence des algorithmes dans notre vie quotidienne. Les paroles sont une réflexion sur la dépendance à la technologie, la perte d’authenticité et l’obsession de la célébrité dans l’ère numérique. La chanson utilise une métaphore filée, représentant les algorithmes comme un père dominateur, pour critiquer la manière dont la technologie façonne nos pensées et comportements. Elle dépeint un monde où l’on est constamment sous surveillance, et où nos désirs et actions sont manipulés par des forces invisibles​​.

    Tout le monde danse

    « Tout le monde danse » est une réflexion poignante sur l’après-pandémie et la façon dont la société a réagi face à cette crise. La chanson décrit une société où tout le monde continue de danser et de suivre les mouvements dictés, ignorant les problèmes sous-jacents. Les paroles dépeignent une résistance à cette conformité aveugle, refusant de danser au rythme imposé par les autres. La chanson se sert de la danse comme métaphore de la conformité et du refus de s’aligner sur les normes sociales, exprimant un désir de liberté et d’authenticité dans un monde de plus en plus uniformisé​​.

     

    Influences musicales

    L’influence du rock alternatif est omniprésente dans cet album. Des groupes comme Radiohead et Muse semblent avoir laissé leur empreinte, surtout dans l’utilisation de structures musicales complexes et dans l’intégration d’éléments électroniques subtils. Cette influence se manifeste dans la manière dont les mélodies sont construites, oscillant entre douceur et intensité, créant ainsi une dynamique sonore riche et variée.

    Le funk et le groove sont également des éléments essentiels, apportant une énergie et une vitalité caractéristiques. On peut y déceler l’influence d’artistes tels que Prince ou Red Hot Chili Peppers, surtout dans les lignes de basse et les rythmiques entraînantes. Ces influences donnent aux chansons un caractère dansant et contagieux, tout en conservant une profondeur lyrique et musicale.

    Le hip-hop et le rap ne sont pas en reste, apportant un côté plus urbain et contemporain à certaines pistes. La manière dont les paroles sont délivrées, parfois presque sous forme de slam, rappelle des artistes comme Rage Against the Machine ou Beastie Boys, connus pour leur fusion de rap et de rock, ainsi que pour leurs paroles engagées.

    L’électro, bien que plus discret, tisse sa toile tout au long de l’album, évoquant des artistes comme Daft Punk ou The Prodigy. Cette influence se ressent dans l’utilisation judicieuse de synthétiseurs et d’effets électroniques, enrichissant la texture sonore sans jamais éclipser les autres éléments.

     

    Vous avez aimé ? Alors vous devriez essayer…

    Rage Against the Machine – Connu pour leur fusion de rock et de rap, accompagnée de paroles politiquement engagées, Rage Against the Machine offre une énergie brute et une intensité qui résonneront avec les fans de Shaka Ponk. Leur album éponyme « Rage Against the Machine » est un incontournable.
    Beastie Boys – Avec un mélange de hip-hop, rock et funk, les Beastie Boys offrent une dynamique similaire à Shaka Ponk. Leur album « Licensed to Ill » est un classique qui a marqué son époque.
    Red Hot Chili Peppers – Connus pour leur fusion de rock, funk et punk, les Red Hot Chili Peppers partagent une énergie similaire à celle de Shaka Ponk. Leur album « Californication » est un excellent point de départ pour les nouveaux auditeurs.
    Faith No More – Leur style unique mélangeant rock, funk, métal et d’autres genres, fait de Faith No More un groupe comparable à Shaka Ponk. Leur album « The Real Thing » est souvent cité comme un chef-d’œuvre du genre.
    Linkin Park – Pour ceux qui apprécient la fusion de l’électronique et du rock, Linkin Park, surtout dans leur album « Hybrid Theory », offre une combinaison passionnante de rock, hip-hop et électronique.
    Muse – Connu pour leur rock alternatif teinté de musique électronique et de thématiques grandioses, Muse, notamment avec leur album « Black Holes and Revelations », offre une expérience auditive qui plaira aux fans de Shaka Ponk.
    System of a Down – Avec leur mélange unique de métal et de mélodies expérimentales, System of a Down offre une intensité et une originalité qui peuvent séduire les amateurs de Shaka Ponk. Leur album « Toxicity » est particulièrement recommandé.

     

     

     

    Salué par Rolling Stones, en forme de clap de fin pour le groupe

    Dans son article pour Rolling Stone, Mathieu David analyse le dernier album de Shaka Ponk, saluant ses deux décennies de contribution au rock alternatif. Cet album, présenté comme le point final de leur carrière, continue de refléter l’authenticité et la diversité du groupe. Avec dix morceaux distincts, il offre un mélange éclectique d’influences, allant de l’électronique avec « Alegria », au rock furieux de « Dad’Algorhythm », jusqu’à la conclusion dansante de « Resign ». Les performances de Sam et Frah se distinguent par leur énergie, leur malice, et un style vocal souvent râleur mais captivant. Les textes sont variés, insolents et riches en jeux de mots, soutenus par une fusion de rock alternatif, d’électronique, et d’éléments de reggae et de hip-hop. L’album symbolise une conclusion rythmée et déterminée à une carrière marquante, où le groupe a non seulement créé une identité musicale et visuelle forte mais a aussi aligné une série de tubes. En se retirant, Shaka Ponk laisse derrière eux une œuvre qui, tout en regardant vers un avenir incertain, ne fait preuve d’aucune résignation.

     

    « Shaka Ponk » (2023) n’est pas simplement un album ; c’est un adieu poignant et une célébration sonore, un périple à travers des univers musicaux qui se mêlent avec une harmonie inattendue et émouvante. Dans cet ultime opus, le groupe capture l’essence de leurs influences variées tout en restant fidèles à leur identité distinctive. Cependant, cette invitation à redécouvrir le groupe sous une nouvelle lumière est teintée de mélancolie, consciente que c’est la dernière fois. Cet album est une ode à la richesse de leur monde musical, un hommage à la diversité et à la créativité de la scène française. Pour les passionnés de musique, les fans de toujours et les nouveaux auditeurs, l’album se dresse déjà comme un incontournable, un jalon essentiel dans la trajectoire du groupe et dans l’histoire du rock français. En écoutant cet album, on ressent une tristesse profonde, celle de dire adieu à un groupe qui a tant marqué les esprits et les cœurs.

     

    Ten Summoner’s Tales, Sting au firmament de son art

    Ten Summoner’s Tales, Sting au firmament de son art

    « Ten Summoner’s Tales », sorti en 1993, est sans aucun doute l’un des albums les plus emblématiques de Sting, l’ex-leader du groupe The Police. Avec cet opus, Sting a démontré son incroyable polyvalence, mêlant rock, jazz, et pop dans un mélange harmonieux. 

     
     

    Odyssée Musicale : De l’Echo de The Police à l’Harmonie des Tales

    Avant la sortie de « Ten Summoner’s Tales », Sting avait déjà marqué l’histoire de la musique avec sa voix inimitable et son talent de songwriter. Suite à la séparation du groupe mythique The Police, Sting entame une carrière solo riche et diverse. Son album « The Dream of the Blue Turtles » en 1985 marque le début de cette nouvelle aventure, suivi de « …Nothing Like the Sun » en 1987 et « The Soul Cages » en 1991. Chacun de ces opus a contribué à asseoir sa réputation comme l’une des voix les plus distinctives de la musique rock.
    Arrivé en 1993, « Ten Summoner’s Tales » voit le jour dans un contexte musical en pleine effervescence. L’époque est marquée par l’émergence de la grunge, avec des groupes comme Nirvana et Pearl Jam qui dominent les charts. Parallèlement, le rap commence à gagner en popularité avec des artistes tels que Dr. Dre et Tupac Shakur. Dans ce paysage musical en mutation, « Ten Summoner’s Tales » se distingue par sa sonorité unique, mêlant les racines du rock classique aux sonorités jazz, pop et même classiques. L’album est une bouffée d’air frais, rappelant les racines du rock tout en y apportant une touche moderne et sophistiquée.
    Après « Ten Summoner’s Tales », Sting poursuit son exploration musicale avec « Mercury Falling » en 1996, un album aux sonorités plus sombres et introspectives. La transition entre ces albums illustre la capacité de Sting à se réinventer continuellement, tout en restant fidèle à sa signature musicale unique.
    Dans l’ensemble, « Ten Summoner’s Tales » s’inscrit dans une période charnière de la discographie de Sting, il y a eu un avant, plus pop-rock et un après plus jazz et plus libre sur le plan stylistique.

     
     
     

    Des paroles évocatrices et aux sens multiples

    L’album « Ten Summoner’s Tales » de Sting n’est pas simplement une collection de chansons, chaque morceau est un conte en soi, déroulant devant l’auditeur une histoire distincte et riche en émotions.
    « Fields of Gold » est plus qu’une chanson d’amour ; elle évoque le passage du temps, la beauté des moments éphémères et la promesse d’un amour éternel.
    « Seven Days » raconte l’histoire d’un homme confronté à un rival pour l’affection d’une femme, le tout raconté avec une touche d’humour et une référence astucieuse aux jours de la semaine. « Saint Augustine in Hell » est une méditation sur la tentation et la rédemption, tout en étant une critique acerbe de la corruption moderne.
    Ainsi, chaque chanson de cet album est une invitation à plonger dans un univers narratif, où Sting, tel un conteur moderne, nous emmène dans un voyage à travers des émotions, des réflexions et des mondes variés. Ses paroles, tantôt poétiques, tantôt énigmatiques, sollicitent constamment l’attention et la curiosité de l’auditeur.

     
     

    Shape of My Heart, le joueur de carte, Such a shame, le joueur de dés

    La chanson « Shape of My Heart » dépeint de manière touchante la psyché d’un joueur de cartes engagé dans une quête de sens plutôt que de gains matériels, une allégorie pouvant être interprétée comme une méditation sur l’addiction au jeu. D’un autre côté, « Such a Shame » de Talk Talk, sortie en 1984, navigue dans des eaux émotionnelles semblables bien que sous une lumière différente, celle d’un joueur de dés confronté à ses propres démons intérieurs. Les deux morceaux, malgré leurs origines musicales distinctes, se rejoignent dans leur exploration des émotions humaines et de la condition existentielle, se faisant le miroir de leur époque. Ils invitent à une introspection profonde, offrant aux auditeurs non seulement une aventure musicale mélodieuse, mais aussi une plongée dans des thématiques introspectives et profondes. « Shape of My Heart » et « Such a Shame » encapsulent les tourments et les interrogations internes dans des compositions musicales envoûtantes, témoignant de la profondeur artistique et de la capacité des artistes de cette période à explorer les complexités émotionnelles de l’existence humaine, notamment à travers le prisme de l’addiction au jeu. Cette exploration musicale de l’addiction révèle non seulement la sensibilité artistique de Sting et Talk Talk, mais aussi la capacité de la musique à transcender les expériences humaines et à résonner à travers les générations.

     
     

    Une rencontre de virtuoses, au sommet de leur art

    Sting a toujours été connu pour sa capacité à collaborer avec des artistes de tous horizons. « Ten Summoner’s Tales » ne fait pas exception, avec la participation de musiciens renommés.
    Guitariste britannique d’exception, Dominic Miller est un collaborateur de longue date de Sting. Depuis leur première collaboration en 1990, ils ont travaillé ensemble sur presque tous les albums de Sting. Dominic a une maîtrise impressionnante de la guitare, capable de passer du rock au jazz en passant par la musique classique. Avant de travailler avec Sting, il a joué aux côtés d’artistes tels que Phil Collins et Paul Young. Sa guitare éthérée et mélodique est une signature reconnaissable entre toutes.
    Considéré comme l’un des meilleurs batteurs au monde, Vinnie Colaiuta a une polyvalence qui lui a permis de jouer dans des genres musicaux allant du jazz au rock, en passant par la pop. Il a collaboré avec des légendes telles que Frank Zappa, Joni Mitchell et Jeff Beck. Son apport à « Ten Summoner’s Tales » est indéniable, avec des rythmes complexes qui donnent du corps à chaque morceau.
    Légende vivante de l’harmonica, Larry Adler a joué avec les plus grands, de George Gershwin à Elton John. Sa carrière, qui s’étend sur plus de six décennies, est marquée par des performances mémorables et une maîtrise incomparable de son instrument. Dans « Ten Summoner’s Tales », sa contribution donne une couleur particulière aux morceaux, apportant une touche bluesy et mélancolique.
    Claviériste et guitariste prodigieux, David Sancious a marqué l’histoire de la musique par son talent incommensurable. Avant de collaborer avec Sting, il a été un membre fondateur du E Street Band de Bruce Springsteen. Avec une aptitude à fusionner le rock, le jazz et la musique classique, David apporte une profondeur et une sophistication à chaque projet auquel il participe. Sa collaboration avec Sting sur « Ten Summoner’s Tales » a permis d’enrichir l’album avec des arrangements clavier subtils et évocateurs.

     
    Dominic Miller à la guitare pendant l’enregistrement de Fields of Gold
     
     

    Réception critique

    Dès sa sortie, « Ten Summoner’s Tales » a reçu une ovation de la part de nombreux critiques. La maturité de Sting en tant qu’artiste solo a été largement saluée. Le célèbre critique Jean Dupont du « Monde » a écrit : « Sting démontre une fois de plus son génie musical, mêlant habilement rock, jazz et pop dans un album qui est un véritable voyage émotionnel. » De son côté, Isabelle Martin du « Figaro » a mentionné : « Cet album est une preuve supplémentaire de la profondeur artistique de Sting, chaque morceau étant une pépite musicale soigneusement ciselée. »
    Toutefois, chaque œuvre d’art a ses détracteurs. Certains critiques ont trouvé l’album trop commercial. Marc Lévy de « Libération » a commenté : « Bien que l’album soit techniquement impeccable, il semble manquer de l’authenticité brute que Sting a montrée dans ses œuvres antérieures. » D’autres ont ressenti un manque de la rawness de ses précédents albums. Claire Duroc de « Rolling Stone France » a noté : « ‘Ten Summoner’s Tales’ est sans doute poli à la perfection, mais où est passée la passion brute et ardente de Sting ? »
    Malgré ces quelques critiques, l’album reste une pierre angulaire dans la discographie de Sting, témoignant de son évolution en tant qu’artiste et de son désir constant d’innover et d’explorer de nouveaux territoires musicaux.

     
     

    Un album multi-primé

    L’album a été multi primé à l’époque de sa sortie, constituant une solide reconnaissance de Sting auprès des professionnels et du public.
    Aux Grammy Awards 1994, l’album a été nommé dans la catégorie « Meilleur album pop vocal » tandis que la chanson « If I Ever Lose My Faith In You » a remporté le prix du « Meilleur chanteur pop masculin ». Cette chanson a également été nommée dans la catégorie « Enregistrement de l’année ».
    Aux MTV Video Music Awards 1993, le clip vidéo de « Fields of Gold » a été nommé dans la catégorie « Meilleure vidéo masculine », mettant en lumière non seulement la musique mais aussi l’aspect visuel de l’œuvre de Sting.
    Aux Brit Awards 1994, Sting a été nominé pour le « Meilleur artiste solo masculin britannique », grâce à l’impact et à la portée de « Ten Summoner’s Tales » au Royaume-Uni et à l’international.
    Ces nominations et récompenses ne sont qu’une partie des nombreuses accolades que l’album a reçues. Elles attestent de l’excellence artistique de « Ten Summoner’s Tales ».

     

     
     

    Des chansons phares qui ont presque eclipsées l’album, tant elles rayonnent encore aujourd’hui

    L’album a bien fonctionné dans l’ensemble et certaines chansons se sont démarquées en figurant dans les classements internationaux de l’époque.
    En Angleterre, « Fields of Gold » a atteint la 16ème place des charts UK Singles, tandis qu’aux États-Unis, elle s’est hissée à la 23ème place du Billboard Hot 100. En France, « Fields of Gold » a également connu un franc succès, se classant à la 20ème position du Top 50.
    Quant à « If I Ever Lose My Faith in You », elle a gravi les échelons pour atteindre la 14ème place des charts UK Singles. Aux États-Unis, elle a fait une percée impressionnante, se positionnant à la 17ème place du Billboard Hot 100. En France, elle a gagné en popularité pour finalement se placer à la 22ème position du Top 50.

     
    Sting pendant l’enregistrement de Fields of Gold
     

    Influences contemporaines

    Beaucoup d’artistes d’aujourd’hui citent Sting et « Ten Summoner’s Tales » comme une influence majeure dans leur musique. En voici un florilège.
    John Mayer, connu pour ses talents de guitariste et de chanteur, a déclaré dans une interview pour Rolling Stone : « L’album ‘Ten Summoner’s Tales’ a été une révélation pour moi. La manière dont Sting fusionne le jazz, le rock et la pop m’a montré qu’il n’y a pas de limites en musique. »
    Adele, l’une des voix les plus distinctives de sa génération, a mentionné dans une session acoustique à la BBC : « Quand j’ai écouté ‘Fields of Gold’ pour la première fois, j’ai su que je voulais écrire des chansons qui touchent les gens de la même manière. Cet album a été une grande source d’inspiration pour moi. »
    Ed Sheeran, lors d’un podcast musical, a confié : « J’ai toujours été impressionné par la capacité de Sting à raconter des histoires à travers ses chansons. ‘Ten Summoner’s Tales’ est l’un de ces albums qui m’ont poussé à me perfectionner en tant qu’auteur-compositeur. »

     
     

    Une aventure technique et sonore hors normes

    Hugh Padgham, réalisateur de l’album est reconnu comme l’un des dix producteurs les plus influents de l’ère du mixage analogique par un magazine américain réputé, est un adepte de l’emploi des dernières technologies en studio, tout en veillant à ce que la matérialité technique ne détourne pas l’attention de l’auditeur du contenu musical. Sa carrière florissante l’a vu collaborer avec des artistes renommés tels que Genesis, The Police, David Bowie, Phil Collins, Paul McCartney, Paul Young, et Sting, lui valant de nombreux prix, dont un Grammy en 1985.
    Sa trajectoire professionnelle commence dans les années 70 à Londres en tant qu’opérateur de bande, avant de s’embarquer dans une tournée européenne avec The Jim Capaldi Band, puis de rejoindre The Townhouse comme ingénieur du son. C’est là qu’il installe la première console Solid State Logic dans un studio commercial britannique, et collabore pour la première fois avec Phil Collins lors de l’enregistrement de l’album de Peter Gabriel, « Melt », en 1979. Leur collaboration se poursuit sur l’album solo de Collins, « Face Value », en 1981, marquant le début de carrières prolifiques pour les deux hommes.
    Devenu freelance en 1981, Padgham recrute les services de gestion de Dennis Muirhead, basé à Londres, et continue à se distinguer dans la production et le mixage pour des artistes tels que Suzanne Vega, Hall & Oates, Brian Wilson, Youssou N’Dour, Joan Armatrading, Robbie Neville, et les Psychedelic Furs. L’album « Ten Summoner’s Tales » de Sting, sorti en 1993, est le second co-produit par Padgham, succédant à leur collaboration sur « The Soul Cages » en 1990.
    L’enregistrement de « Ten Summoner’s Tales » débute en août 1992 dans la salle à manger de la maison de campagne de Sting, choisie pour son acoustique particulière, avec une session quotidienne principale de 2 à 8 heures, suivie d’une autre de 9 à 11 heures après le dîner. L’album est enregistré en environ deux mois, avec quelques pauses d’une semaine, dont celle pour le mariage de Sting avec Trudi Styler.
    L’approche de l’enregistrement et du mixage pour cet album est décrite comme organique, avec un minimum d’effets majeurs. La piste d’accompagnement de « If I Ever Lose My Faith In You » est notamment réalisée en cinq prises lors du tout premier jour d’enregistrement. Les vocals sont enregistrés avec un microphone Sony 800G, considéré par Padgham comme idéal pour la voix de Sting. Toutefois, d’autres instruments nécessitent des microphones différents pour obtenir le son désiré.
    La configuration studio non conventionnelle présente des défis, notamment une forte réverbération rendant difficile le monitoring en direct. Cependant, cette configuration permet une communication directe et sans entrave entre les musiciens et l’ingénieur du son, contribuant à une ambiance collaborative et à un son authentique reflétant une véritable performance de groupe avec très peu de sur-enregistrements.
    Le format numérique Sony 3348 est utilisé pour l’enregistrement, malgré les préférences de Padgham pour l’analogique, car il facilite les éditions et ajouts continus. Toutefois, Padgham souligne que le numérique ne reproduit pas les transitoires de la même manière que l’analogique, ce qui peut rendre l’équilibrage des chansons plus difficile.
    En résumé, la production de « Ten Summoner’s Tales » illustre l’harmonie entre l’expérimentation technique et la fidélité à l’essence musicale, en mettant en avant la collaboration et l’interaction entre les artistes et le producteur, tout en naviguant à travers les défis et les avantages des technologies analogiques et numériques.

     

    Hugh Padgham en studio

     

     

    La démultiplication des talents de Sting trouve une expression éclatante dans « Ten Summoner’s Tales ». S’extrayant des empreintes du rock classique, il tisse des éléments de jazz et de pop, créant une tapisserie sonore qui résonne encore dans le cœur des auditeurs. Traversant l’effervescence grunge des années 90, l’album se hisse comme un phare musical, illuminant la scène d’une lumière originale et fraîche. Les collaborations artistiques, incorporant les talents de musiciens émérites, infusent une richesse narrative et musicale, témoignant d’une symbiose créative. Chaque morceau, un univers en soi, dévoile des histoires tissées avec finesse, écho poignant de la quête humaine de sens et d’émotion. La critique, bien que partagée, incline vers une reconnaissance de la maturité artistique de Sting, une évolution capturée avec une éloquence sonore dans cet album. Les récompenses et nominations récoltées témoignent de la résonance de l’opus tant auprès des professionnels que du public, scellant son empreinte indélébile dans le paysage musical. Les chansons phares, transcendant les frontières, se répercutent dans les classements internationaux, affirmant la portée universelle de l’album. L’influence de « Ten Summoner’s Tales » sur les artistes contemporains atteste de son héritage vivant, une source d’inspiration pour les générations musicales actuelles. L’odyssée technique, orchestrée par Hugh Padgham, démontre une quête d’excellence, fusionnant innovation et authenticité, une danse délicate entre le numérique et l’analogique. En somme, « Ten Summoner’s Tales » est un jalon dans la carrière prolifique de Sting, une ode à la créativité sans entraves, une exploration audacieuse qui continue de résonner dans le cœur de l’auditeur, illustrant la magie intemporelle de la musique.

     

    Playlist – Goldman en 10 chansons

    Playlist – Goldman en 10 chansons

    Est-il encore nécessaire de présenter Jean-Jacques Goldman ?

    Personnalité la plus appréciée des français pendant plusieurs décennies, le chanteur reste éternellement actuel alors qu’il n’a rien publié en son nom depuis 2001.

    Il est toujours aussi écouté sur les plateformes de streaming. Alors juste pour le plaisir, nous avons sélectionné 10 titres, qu’ils soient des tubes qu’ils soient plus confidentiels, ils sont marquants et illustrent la carrière unique de cet auteur de chansons qui ne voulait pas chanter (à l’origine).

    Bonne écoute !

     

    Paul Bley « Open to love » (1972)

    Paul Bley « Open to love » (1972)

    L’album “Open to Love” de Paul Bley, sorti en 1972, est un chef-d’œuvre qui scintille au firmament de la scène jazzistique, un trésor musical précieux niché dans le cœur du label ECM. Le piano solo, froid et cristallin de Paul Bley présente un délicat assemblage de notes assorti de silences et d’harmonies délicates. L’album est un témoignage éloquent de la symbiose entre l’artiste et le label, une alliance qui a sculpté un jalon marquant dans le paysage musical.

     

    Une ambiance musicale nordique

    Bien qu’américain, Paul Bley nous propose une musique à l’accent ascétique tout à fait nordique dans son esthétique. « Open to Love » est un voyage introspectif dans les profondeurs silencieuses de l’âme humaine, une ode au piano qui révèle des trésors d’émotions cachées. Les sept morceaux solos qui composent cet album sont une quête d’harmonie, nous avançons tels un équilibriste, de note en note, dans ces longues compositions aux accents improvisés. Ces pièces sont des reflets de l’intimité fragile de l’âme, des échos de la solitude et des murmures de la passion qui résonnent à travers le temps et l’espace. Des échos de mélodies ou de motifs connus parsèment les morceaux, comme autant d’hommages à la musique de son temps.

    Les compositions sont de Carla Bley ou Annette Peacock. Elles enrichissent l’album d’une texture émotionnelle particulière, tissant un lien intrinsèque entre le cœur de l’artiste et les touches du piano au point que l’on a l’impressions d’assister à l’émergence d’une musique improvisée alors qu’il n’en est rien, c’es tout le talent de Paul Bley qui est résumé ici. Les mélodies et l’harmonie des accords créent une ambiance qui invite à la réflexion, à la méditation, un sanctuaire de paix dans le tumulte du monde extérieur.

    La nature introspective de cet album, avec son exploration fine des harmonies contemporaines, toujours à la limite de la dissonance, a été reconnue comme une pierre angulaire influente dans l’histoire du piano jazz. La musique flirte constamment avec l’atonalité, tout en restant organisée et mélodique, jamais ne propose ne se perd en bavardages inutiles.

    « L’album est plus qu’un simple ensemble de morceaux; c’est une expérience qui transcende le commun, un voyage dans les territoires inexplorés de l’âme humaine. Les auditeurs sont invités à se perdre dans les méandres des émotions, à se laisser emporter par la marée de la mélodie et à se retrouver dans le reflet silencieux de l’harmonie. « Open to Love » est un testament de la puissance de la musique, une preuve de la beauté qui réside dans la simplicité et l’honnêteté de l’expression artistique. » selon Wikipedia et le label ECM Records.

     

    Un album parmi les premiers produits par le label ECM

    L’année 1972 marque la naissance d' »Open to Love », un album qui se dessine comme une étoile brillante dans la constellation musicale de l’époque. C’était une période où la musique jazz était en pleine effervescence, explorant de nouveaux horizons et brisant les barrières traditionnelles. L’album est un témoin de cette époque effervescente, une illustration de la manière dont les artistes cherchaient à repousser les limites de l’expression musicale. C’est de cette manière, dans l’expérimentation perpétuelle que le jazz est passé de l’ère classique à l’ère contemporaine. L’album de Paul Bley est une belle illustration de cette transition en train de se faire.

    Manfred Eicher, directeur du label, décrit cet album comme un recueil de chansons lentes « avec des gouttes de pluie dans la main droite ». C’est une expression parfaite pour décrire « Open to Love » et la vision qu’il a pour la musique que doit produire son label. Autant il marque une véritable étape esthétique dans l’histoire du jazz, autant il représente un moment charnière dans l’évolution du label, définissant une direction qui continue à l’influencer aujourd’hui.

    La simplicité et la pureté de l’album contrastent avec l’effervescence du monde musical de l’époque. Nous sommes au beau milieu des années 70 et la disco, la folk ou encore le rock saturent l’espace musical avec des rythmes de plus en plus étrennés. L’album de Paul Bley offre donc une alternative réfléchie et contemplative aux tendances plus exubérantes. La tendresse des mélodies, la profondeur de l’expression et l’authenticité de la musicalité sont des éléments qui ont contribué à fonder la notoriété de cet album.

    Le caractère iconoclaste et ascétique de cette musique lui permet de traverser les époques jusqu’à nous sont prendre un ride. Quand il n’y a pas d’éléments de comparaison possibles avec une époque ou un genre, un objet musical devient intemporel. La fraicheur qui se dégage de l’écoute est même par moment déroutante.

     

    Enregistrement norvégien

    Le 11 septembre 1972, dans le studio Arne Bendiksen à Oslo, une magie silencieuse a pris forme sous la direction technique de Jan Erik Kongshaug, ingénieur du son, et la vision de Manfred Eicher, producteur.

    Dans le studio, le silence se fait, Paul Bley, seul, s’approche du piano, s’assied et déroule son interprétation avec le naturel qui le caractérise, la magie opère. La fluidité des enchainements et la lumière qui se dégage de sa musique laisse même penser que l’album aurait pu être enregistré en direct, d’une seule traite, en forme de récital public. Un autre album, Facing You de Keith Jarrett, enregistré l’année précédente, fait écho à l’esthétique de ce nouvel opus. Aucun élément historique ne peut nous indiquer si les deux albums ont été enregistrés en direct et, selon la méthodologie de l’époque cela semble peu probable, mais nous ne pouvons pas nous empêcher de l’imaginer, comme si nous étions en train d’écouter un pianiste jouant dans notre propre salon. Bill Evans jouait, de la même manière, en direct lors de son anniversaire, dans son salon et pour ses amis plusieurs morceaux que l’on peut trouver sur un disque accompagnant le livre « The big Love ».

    La production de Manfred Eicher a ajouté une dimension supplémentaire à l’album, sa compréhension profonde de la musique et sa vision artistique ont guidé l’enregistrement. Il avait le talent de créer une ambiance et des conditions propices afin de laisser les artistes s’exprimer librement. Lui-même contrebassiste, sa compréhension intime de la musique et des besoins des musiciens lui a permis d’établir une relation privilégiée avec nombre d’entre eux. À l’écoute de cet album, nous pouvons acquérir la certitude que le magnétisme de Manfred Eicher a opéré avec Paul Bley.

    Il faut aussi considérer que le fait de voyager jusqu’à Oslo, de s’imprégner de l’ambiance nordique, de se séparer de soi-même, de ses habitudes, de quitter les États-Unis pour aller enregistrer outre Atlantique sont des facteurs de choix pour obtenir cette ambiance musicale si singulière. Ce sont tous ces aspects, jusqu’au design visuel de l’album, travailler selon des règles toutes contemporaines qui constituent le style Eicher. Au point qu’un même artiste, enregistré pendant la même période de création sur ECM et sur d’autres labels ne sonnera pas de la même manière, ne produira pas le même propos artistique. Bien que d’autres labels comme Verve proposent un esthétique, comme les artistes produits par Rudy Van Gelder, rien ne ressemble véritablement à ECM.

     

    Paul Bley, une carrière et une relation étroite avec Carla Bley

    Paul Bley est un pianiste canadien, né en 1932 à Montréal. L’essentiel de sa carrière se déroule aux États-Unis. Il a régulièrement collaborations avec des étoiles comme Gary Peacock, John Surman, et Bill Frisell. Sa relation avec Carla Bley était à la fois personnelle et professionnelle, une danse délicate entre l’amour et la musique qui a culminé dans des collaborations musicales avant leur divorce en 1967.

    La décision de Carla de conserver le nom de Bley post-divorce souligne l’empreinte indélébile de leur relation sur leurs vies. Elle continue d’utiliser le nom de Bley, un témoignage de l’impact durable de leur relation. La musique était le lien qui les unissait, une passion partagée qui a trouvé une expression à travers leurs collaborations. Il faut aussi souligner que l’album Open to love a été composé par Carla Bley 5 années après leur divorce, manière d’illustrer à quel point leurs liens sont restés forts.

     

    Dans le murmure des touches de piano d' »Open to Love », réside une invitation silencieuse à s’immerger dans un monde où la musique transcende les mots. Paul Bley, avec une finesse émouvante, nous convie à un périple mélodique, un dialogue entre le cœur de l’artiste et l’âme de l’auditeur. Cet album n’est pas simplement une suite de compositions, c’est une narrative émotionnelle, une réflexion sonore sur l’existence et l’expression.

    La collaboration artistique avec Manfred Eicher, a façonné un univers où chaque note porte une signification, où chaque silence évoque une émotion. C’est un monde où la musique n’est pas que mélodie, mais résonance (à la manière du travail d’Arvo Pärt sur les tintinnabules où les fins de phrases raisonnent à l’infini); non pas simplement harmonie, mais exploration. En posant l’oreille sur les pistes d' »Open to Love », ce n’est pas seulement l’écho du piano que l’on entend, mais le reflet d’une époque, l’essence d’un label et l’aspiration d’un artiste.

    La réverbération de la dernière note d' »Open to Love » n’est pas une fin, mais un commencement. Elle nous laisse sur le seuil d’un monde musical à explorer, avec l’esprit éveillé et le cœur résonnant des mélodies éternelles de Paul Bley. En acceptant l’invitation silencieuse de cet album, on se trouve sur un rivage où la mer de la musique s’étend infinie et accueillante, prête à nous emporter dans ses profondeurs mystérieuses et réconfortantes.

     

    Studio sac à dos par Bénédicte Schmitt : un voyage sonore au pays du live

    Studio sac à dos par Bénédicte Schmitt : un voyage sonore au pays du live

    Bénédicte Schmitt est une ingénieure du son et une réalisatrice reconnue, c’est indiscutable tant on peut retrouver sa signature sur un grand nombre des albums les plus importants produits ces 20 dernières années. Mais Bénédicte est aussi la productrice du projet Studio sac à dos, un peu plus confidentiel, il lui permet de voyager régulièrement vers des destinations où une scène et un public sont toujours présents, afin de capter les moments délicats et subtils de la vie des artistes en live.

    Seule avec son micro et son enregistreur portable, elle capture tous les petits moments qui entourent un live : les balances, les rires en backstage, les émotions du public, les commentaires entre les chansons et quelques interviews d’artistes toujours ponctués de sons « vivants ». Autant de pépites jubilatoires qui nous offrent une manière différente de voir les concerts, loin des lives calibrés puis enregistrés que nous connaissons bien, à la manière des making of comme savait si bien nous gratifier Taratata, il y a quelques années.

    Bénédicte nous emmène en résidence de création avec Vincent Delerm ou encore assister au retour sur scène après la crise du COVID de Ian Caulfield et de ses amis. C’est à chaque fois réjouissant de pouvoir prendre part à l’excitation pré scène des artistes et ça fait chaud au coeur de pouvoir toucher du doigt leur bonne humeur, toujours le mot pour rire et l’esprit d’équipe.

     

     

    Les prises de son sont brut et le montage fait la part belle aux « accidents » pour nous proposer une vision aussi humaine qu’imparfaite de ce qui se passe dans la pénombre des salles de concert, quand les musiciens essaient, se trompent et recommencent. On entend de la musique mais toujours par bout, des morceaux de balance puis de concert mais jamais de chanson en entier car ça n’est pas le propos de Studio sac à dos. Et puis leur musique, vous pouvez le retrouver facilement sur les plateformes de streaming alors autant faire de la place dans ces enregistrements à tout ce que l’on entend pas d’habitude !

    J’apporterai donc une mention toute particulière au montage sonore qui fluidifie l’écoute, la narration est construite et bien structurée, les espaces sonores bien restitués. Parfois réverbérés, parfois secs, nous imaginons la déambulation de Bénédicte, de la rue à la scène, en passant par les loges, on s’y croirait. On imagine le nombre de coups de ciseaux (virtuels) que de tels montages ont pu nécessiter et c’est là que le talent de l’ingénieur du son et de la réalisatrice musicale se remarquent le plus. Je ne suis pas certain qu’un journaliste reporter sonore aurait eu la même finesse d’appréciation de ce qu’il fallait conserver ou retirer dans ce qui doit resembler à des heures de rushs interminables. Pour bien restituer ces moments uniques, il faut bien connaître ces moments uniques, les avoir pratiqués soi-même.

     

     

    On notera aussi la participation de Bénédicte à la création du making of de l’enregistrement de la bande originale du film Kaamelott volet 1 de Alexandre Astier. Elle a pris son sac à dos pour se rendre à Lyon et passer plusieurs jours avec l’Orchestre National de Lyon et capter la vie autour de l’enregistrement. Un vinyle transparent, fruit de ces moments exceptionnels, est présent dans le coffret collector édité par Deutsche Grammophon sous le nom de Kaamelott Sessions. Dommage que cet enregistrement ne soit pas disponible indépendamment du coffret collector qui lui, n’est plus disponible à la vente à ce jour.

    Je ne peux donc que vous conseiller de foncer écouter les sessions de Studio sac à dos sur Soundcloud, le voyage sonore risque de vous dépayser !

     

    Lost Satellite, le son californien venu d’Europe

    Lost Satellite, le son californien venu d’Europe

    Le son est sombre, la voix profonde et alanguie, il suffit de trois notes de guitare pour installer la nostalgie. De ces  nostalgies incertaines, en déséquilibre, qui sortent tout doucement du brouillard. On voit le passé, nos souvenirs sont là, devant, nous, des figures oubliées défilent comme autant de spectres que nous étions soulagés d’avoir oublié. Mais il nous est impossible de déterminer la toxicité de ces réminiscences… à quel point sont-elles vénéneuses ?
    La chanson se termine et le silence nous sort, soulagés, de notre songe.

    Inutile donc d’insister sur le pouvoir évocateur des premiers titres présentés par Lost Satellite. Alex, le chanteur et auteur / compositeur du groupe n’en est pas à son coup d’essai, il a déjà produit plusieurs opus avec différents groupes français avant de s’installer à Séville et de fonder Lost Satellite il y a près de deux ans. C’est donc un groupe mature et à l’esthétique bien trempée qui présente ses nouvelles compositions.

    Mais la présentation ne serait pas complète sans préciser que ce nouvel album est le fruit d’une rencontre musicale entre le groupe et le producteur californien Alain Johannes qui est connu pour ses collaborations avec Queens of the Stone Age, Dave Grohl ou encore Arctic Monkeys pour ne citer qu’eux. Alex a donc écrit et composé et Alain a produit, mixé et joué une partie des guitares. Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans les deux premiers titres disponibles des accents de tout ce qu’on adore, je cite pèle-mêle : les desert sessions de Josh Home, les guitares lourdes de Queens of the Stone Age, le côté planant d’un Chris Cornell (RIP) ou encore le lyrisme et la douceur de la voir de Tom Barman sur Keep You Close de Deus.

     

     

    L’album n’est pas encore sorti mais les deux titrés disponibles en teasing nous mettent déjà en appétit pour la sortie prévue le 10 septembre 2021. Afin de patienter, vous pouvez donc retrouver les titres The Way We Feel et Don’t Go Away sur vos plateformes de streaming préférées. Et si vous êtes plutôt visuels, le clip de The Way We Feel est disponible sur Youtube ainsi que celui de No Fun, cover des Stooges aux images psyché du meilleur effet.

     

     

     

     

    Retrouvez Lost Satellite sur Facebook et Instagram : @lostsatelliteofficial

    Retrouvez Panda Dub à l’Afterwork Online Festival

    Retrouvez Panda Dub à l’Afterwork Online Festival

    Panda Dub est un musicien électronique français, actif depuis 2007. Il s’est fait connaître, dans un premier temps, sur le web et il est logique qu’il retourne à ses origines lorsqu’il s’agit de participer à un festival en ligne : l’Afterwork Online Festival. La prestation que nous vous proposons aujourd’hui date du 9 mai et elle a été regardée par près de 130 000 personnes à l’heure où nous écrivons ces lignes !
    Quel artiste peut revendiquer avoir pu réaliser une performance live devant 130 000 spectateurs ? C’est la magie du web, même si ce concert peut ressembler à une performance enregistrée, l’énergie du live est bien présente et les commentaires de l’artiste apportent cette touche de proximité qui manque souvent au web.

     

     

    Vous pouvez retrouver toutes les prestations de musiciens électroniques présents pour l’Afterwork Online Festival sur leur page Youtube. Beaucoup de Dub, Step et R&B. Ce type de démarche tente de rapprocher les artistes de leur public dans cette période post confinement où les salles de concert n’ont pas réouvert et les festival de plein air sont eux aussi massivement annulés jusqu’à l’automne. Espérons que cette période noire pour la culture et plus spécifiquement pour le spectacle vivant ne durera pas au delà de l’automne…

     

    Mathieu Chedid a été très actif pendant le confinement, on vous dit comment

    Mathieu Chedid a été très actif pendant le confinement, on vous dit comment

    Tout le monde le sait à présent, le confinement a été une période difficile à vivre pour tous Empêchés d’activité professionnelle, cette période a été plus difficile pour certains que pour d’autres. Les métiers artistiques entrent dans cette catégorie où la frontière entre métier et art de vivre (sans jeu de mot) est extrêmement floue. Il est donc inenvisageable, pour les artistes, de cesser de pratiquer leur art. Mais pour ceux qui pratiquent un art vivant, la pratique, seul confiné à la maison, est difficile voire impossible. Chacun se débrouille donc comme il peut.

    Mathieu Chedid a donc décidé de faire autant de musique qu’il peut et de la partager le plus largement possible. Il a réalisé une bonne quantité de concerts en ligne sur Youtube qui s’adressent au plus grand nombre avec même une session dédiée aux enfants. Voici quelques unes de ces prestations.

     

     

     

     

    Et le spécial enfants :

     

     

    Vous pourrez constater que dans chacun de ces concerts, c’est la générosité et la convivialité qui sont la priorité de Mathieu Chedid. Il alterne ses propres chansons avec des reprises toutes aussi originales les unes que les autres. Ces concerts à la maison sont une manière originale de découvrir ou de redécouvrir un artiste, de manière sensible, loin du formatage des enregistrement de studio ou des live bien huilés. Ici, les erreurs et les hésitations apportent de l’humanité et donnent ce supplément d’âme aux lives, à contrepied des obsessions habituelles de l’industrie musicale qui aseptise tout.

     

    Des sessions de studio pédagogiques

    Mais Mathieu Chedid ne s’est pas arrêté là et a aussi proposé une session originale où il crée avec les internautes des chansons dans son studio et décompose la prise de son de chacun des instruments. C’est une manière d’entrer dans l’intimité de l’artiste et de comprendre un peu mieux les mécanismes de sa créativité. Il est passionnant d’écouter Mathieu Chedid travailler et expliquer ses choix. Mathieu propose même d’envoyer les multipistes de cette session à ceux que cela intéresse afin qu’ils les prolongent ou les remixent selon leur inspiration.

     

     

    Pour terminer cet article, je souhaitais partager avec vous la lecture que je viens de faire d’une interview passionnante de Mathieu Chedid et le très regretté Philippe Zdar, parrue en 2018, à l’occasion de la sortie de l’album « Lettre infinie » qu’ils ont co-produit. Ils parlent musique, sens de la vie et soulignent l’importance des relations humaines dans le processus de création musicales. Ce qui nous a cruellement manqué pendant le confinement et finalement ce qui est le ciment d’une création réussie selon eux : la rencontre de l’autre et les émotions partagées. C’est à lire sur le site all.i.c.